Index des expressions juridiques

Lucien Dalmasso (avocat) et Serge Goracci (1732 - Académie du Val d'Entraunes)

Index des expressions juridiques et leurs illustrations par un document authentique

CONSTITUT POSSESSOIRE

On distingue la possession de la propriété. La propriété est un droit absolu sur une chose, un bien, celui de pouvoir s'en servir, en percevoir des revenus et pouvoir le vendre. La possession elle, suppose une détention physique sur un bien même si l'on n'en a pas la propriété issue d'un titre. Le possesseur agit comme le propriétaire du bien. Le propriétaire peut ne pas être en possession du bien dont il est propriétaire : c'est le cas lorsque le propriétaire donne son bien en location, en fermage ou le met en dépôt. Mais celui qui reçoit ce bien, en fermage, ou en dépôt, n'en a pas pour autant la possession, il n'en est que le détenteur car il sait qu'il n'est pas le propriétaire. Le constitut possessoire est une convention par laquelle le détenteur reconnaît qu'il possède le bien pour le compte du propriétaire. Ainsi le propriétaire, même s'il n'a pas le bien entre ses mains, en devient le véritable possesseur et peut le donner en gage à ses créanciers. [ Lucien Dalmasso]

  • Dans le Code civil pour les états de S.M. le roi de Sardaigne Titre XXII des privilèges et hypothèques.. chapitre premier: « cette clause n’a d’autres effets que de soumettre les biens du débiteur à l’action possessoire, tant qu’il est détenteur , afin que le créancier puisse être payé sur ces mêmes biens, au moyen des exécutions autorisées par la loi. Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers »
  • Dans le Droit Romain AED (Association des Etudiants en Droit ) - Université de Genève 1. 2011-2012 Le constitutum possessorium : le constitut possessoire
    (...)Transfert sans tradition de main en main. La chose reste dans la main du possesseur originaire antérieur qui désormais la tient comme possesseur dérivé. Il ne serait, en effet, pas raisonnable que quelqu'un rende la chose qu'elle donne pour la voir instantanément de retour à titre de locataire.
    Les sources ne nous disent pas si les juristes se contentaient :
    soit de la pure volonté de posséder pour autrui sans qualification ultérieure suffisait.
    soit de la nécessité de fonder cette volonté sur un rapport concret comme l'usufruit, la location; = certainement la solution.
    Car sinon, la seule volonté de posséder pour autrui => le constitut possessoire (= mode de transfert ) ≡la représentation dans l'acquisition de la possession.
bibliographie

Code civil pour les états de S.M. le roi de Sardaigne Imprimerie royale. Turin, 1837
Le Droit Romain _ AED (Association des Etudiants en Droit ) - Université de Genève 1. 2011-2012 Chapitre IV, B . Le transfert de la possession : l'acquisition dérivée de la possession p.71

Illustrations
  • 5 Août 1825 - Vente en faveur d'Ollivier François Hyacinthe par Ollivier Bruno Honoré d'un pré artificiel appelé "les Basties" au quartier des Clots pour la somme de 500 livres. Le vendeur déclare avoir recu 200 livres dont quittance sous la due renonciation à la clause de l'exceptio non numerata pecuniæ et paiera le solde des 300 livres restantes à Autheman Joseph Martin sur la demande du vendeur en constituant une rente avec un intérêt de 4%. Les parties pour l'observation du présent acte passent l'obligation de leurs respectifs biens présents et futurs sous la clause du constitut possessoire.
    Document 06125-AN-01133 [LIRE ici]

    EXCEPTIO NON NUMERATA PECUNIÆ

    En droit, les exceptions sont des moyens qui permettent à un débiteur de ne pas accomplir son obligation tant que l'autre contractant n'a pas réalisé la sienne. Par exemple dans le droit contemporain, l'exception d'inexécution (non adimpleti contractus): j'ai pris en location un appartement mais compte tenu d'une fuite d'eau il est inhabitable. Je refuse de payer le loyer car je ne peux disposer de cet appartement. En droit romain, l'_exceptio non numerata pecuniae_ était utilisée en présence d'un prêt, notamment d'un prêt d'argent. Un écrit était signé et le versement de la somme d'argent pouvait n'avoir lieu que plus tard. Si ce versement n'avait pas lieu ou était effectué de manière incomplète, le débiteur pouvait évoquer cette exception pour ne pas rembourser le prêt : je ne rembourse pas le prêt car la somme promise ne m'a pas été versée. Dans le document 06125-AN-01133, il s'agirait davantage ici d'une clause de style : le vendeur déclare avoir reçu une somme de 200 livres avant signature et en donne quittance à l'acquéreur en renonçant à exciper de l'_exceptio non numerata pecuniae_. Autrement dit il ne pourra pas dire plus tard qu'il n'a pas reçu cette somme puisqu'il en a donné quittance. [Lucien Dalmasso]

    Selon Antoine Gaspard Boucher d'Argis ce qu'il appelle

    Exception d'argent non compté , non numeratæ pecuniæ, est la défense de celui qui a reconnu avoir reçu une somme, quoiqu’il ne l’ait pas réellement reçue. Suivant l’ancien droit romain, cette exception pouvoit être proposée pendant cinq ans ; par le droit nouveau ce délai est reduit à deux ans, à l’égard des reconnoissances pour prêt, vente, ou autre cause semblable ; mais la loi ne donne que trente jours au débiteur, pour se plaindre du défaut de numération des especes dont il a donné quittance. Comme dans le cas d’une reconnoissance surprise sans numération d’especes, il pourroit arriver que le créancier laissât passer les deux ans de peur qu’on ne lui opposât le défaut de numération, la loi permet au débiteur de proposer cette exception par forme de plainte, de la rétention injuste faite par le créancier d’une obligation sans cause.

    Illustrations

    Document 06125-AN-01133 [LIRE ici]

    bibliographie
  • Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert. L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences,des arts et des métiers. 1ère édition, 1751 .
    L'article intitulé "Exception" d'Antoine Gaspard Boucher d'Argis (Tome 6, p. 218-219)
  • Ortolan Joseph Louis Elzéar. [Explication historique des Instituts de l’empereur Justinien] avec le texte, la traduction en regard, et les explications sous chaque paragraphe précédé de l’histoire de la Législation romaine depuis son origine jusqu’à la législation moderne et d’une GÉNÉRALISATION du DROIT ROMAIN d’après les textes anciennement connus, ou plus récemment découverts_. 6ème édition revue et considérablement augmentée. Tome 3ème – Livre III et IV des Instituts. Paris Henri Plon, Maresc et Dujardin , 1857.