Maurice Colonelli ,
Promotion Charles de Foucauld (1941-1942)
Lieutenant des Forces Françaises de l’Intérieur de la XVe Région
Chevalier de la Légion d’Honneur – Croix de Guerre avec Palme
Officier courageux et d’un allant magnifique, a pris part aux combats de Daluis les 17 et 18 juillet 1944 comme chef de section en avant-poste, a tenu devant un ennemi supérieur en nombre lui infligeant des pertes sévères (...). S’est replié le dernier après avoir assuré l‘évacuation de ses hommes et du matériel, a été mortellement blessé »_ {Mémorial Saint-Cyr]
A ses obsèques le chef des FFI du secteur de Barcelonnette déclare:
« c’est en vous portant au secours de vos camarades blessés au cours d’un engagement avec l’ennemi que, sous une pluie de mitraille, vous êtes tombé bravement, les armes à la main, dans les rangs des jeunes Français courageux qui participent à la libération de leur patrie, à ce titre vous nous êtes cher
Né en avril 1921 à Beaulieu, il est fils du Directeur de l’hôtel Bristol. Saint-Cyrien formé à l’école militaire d’Aix-en-Provence sous la direction du capitaine Jacques Lécuyer, futur commandant Sapin, il en sort sous-lieutenant le 2 novembre 1942. « Assistant » aux chantiers de jeunesse (1), il déserte pour entrer en résistance sous le nom de Lieutenant Colmar.
Au Printemps 1943 reçoit le commandement du secteur est (Breil-Fontan) des Alpes-Maritimes de l’ORA (2)
Lors du débarquement en Normandie, il reçut l’ordre de rejoindre Beuil où devait se constituer un puissant rassemblement de FFI, dont il commanda l’un des détachements.
Contexte historique
1. L'O.R.A.
Novembre 1942, l’invasion allemande de la zone libre avec remise des armes sonne comme un 2ème désastre pour l’Armée. L’armée d’armistice (3) disparue, un groupe d’anciens militaires français décide de créer dès Janvier 1943, l’Organisation de Résistance de l’Armée (O.R.A.) déterminés qu’ils sont à résister de façon active contre l’occupant. Elle se met en place dans les six régions définies par le mouvement Combat, par le Général Pfister pour le Sud-ouest et le colonel Zeller pour le sud-est. Dès mai 1943, elle se développe dans les Alpes –Maritimes sous l’impulsion du Colonel Journois secondé par le commandant Pourchier. Avec l’arrestation de ces derniers en janvier 1944, le mouvement décapité reste un temps en sommeil avant que le capitaine Lecuyer alias Sapin Chef d'Etat-major de la Région R2 et Chef régional de l'ORA nomme le lieutenant Gautier alias Malherbe, chef départemental en remplacement du capitaine de cavalerie Ceccaldi alias Bob
Les Alpes-Maritimes seront partagés militairement en trois secteurs dont les commandements seront confiés à des membres de l’ORA. Le capitaine Lestang-Labrousse alias Rodolphe est nommé pour le Nord (Var, Cians, Tinée, Vésubie). Son autorité ne semble pas acceptée par les FTP ou d’autres groupes. Il va dès lors s’appliquer à constituer un maquis exclusivement O.R.A. dans la région de Beuil.
2. L’INSURRECTION
Le capitaine Lecuyer qui a provoqué l’insurrection armée dans les vallées du Haut Verdon, des Asses et de l'Ubaye dans les Alpes de Haute-Provence, installe son QG à Barcelonnette et ordonne au lieutenant Gautier alias Malherbe de créer dans la région de Beuil un quadrilatère de sécurité regroupant tous les maquis possibles. Toute la région de Beuil - Guillaumes est donc mise en état d’insurrection contre l’occupant (vallée du Cians et haute vallée du Var) . Malherbe va tout entreprendre pour consolider le dispositif en homme et en armement et étendre l’insurrection vers la Tinée et la Vésubie
3. La « COUPURE»
Pratiquer l’insurrection, c’est avant tout dynamiter les communications en coupant les vallées du Var et du Cians et protéger l’aile gauche des maquis des Basses-Alpes. Le 7 juillet, le pont de Pra d’Astier dans les Gorges du Cians par Gabriel Mazier (alias capitaine François) qui renouvelle l’opération le 8 juillet, avec le sabotage du viaduc de Berthéou dans les Gorges de Daluis avec 3 kg d’explosif sur la clef de voute de l’arche centrale. C’est « la coupure ». Pour Guillaumes et son canton, une nouvelle vie de camp retranché s’organise. C’est la véritable autarcie et le dénuement. Un comité de Libération est créé. Le 14 juillet, les maquisards organisent sur la place Joseph Garnier à Beuil une mémorable commémoration de la fête nationale. C’est la « République de Beuil » ! Et le drapeau tricolore à croix de Lorraine flotte sur le canton de Guillaumes.
4. LA CONTRE-ATTAQUE ALLEMANDE
La réaction allemande intervient dès le 18 juillet avec des moyens considérables par les Gorges de Daluis et du Cians.
Entre le 18 et 21 juillet, des combats s’engagent dans les gorges de Daluis. L’ennemi renonce à attaquer sur la grande clue et attaque simultanément sur deux fronts pour prendre en tenaille la résistance.
Sur la rive droite, en passant par les sentiers muletiers en direction de Villeplane et sur la rive gauche où il réussit à traverser le Var et atteindre le col de Roua pour déborder les défenses sur les crêtes. Il s’installe, rive gauche au collet des Monts et tire au mortier sur la poste de la tête de femme, forçant le verrou de la Gardienne des Gorges.
Le détachement d’hommes à peine armés commandé par Colonelli est pris sous la mitraille des forces allemandes équipées de mortiers et de canons. Grièvement blessé par un éclat d’obus dans les reins, il organise cependant le « décrochage » afin de sauver hommes et matériel.
Le lieutenant Maurice Colonelli décèdera de ses blessures le 15 août à l’hôpital de Barcelonnette et Le caporal Marcel Sini décèdera à Fours le 22 juillet.
Cette attaque allemande se soldera par un lourd bilan. Deux morts et de nombreux blessés parmi lesquels Blanc Oscar de Sussis blessé à l'oeil, Brocquin Gabriel qui a reçu des éclats dans les jambes. Plus tard, Le lieutenant Pyra (4) qui a remplacé Colonelli est grièvement blessé au carrefour de la N202 et de la route de Villeplane.
- Le 18 juillet les Allemands prennent Guillaumes vidée heureusement de ses forces vives réfugiées dans les écarts alentours (Péone (la Baumette ) , Entraunes (La Boulière), Châteauneuf d’Entraunes (Les Tourrès) , Estenc.
- 24 juillet 1944, les Allemands évacuent Guillaumes par crainte des embuscades, pour ne pas dégarnir le front littoral devant la menace d’un débarquement et du fait de l’attentat contre Hitler
5. L'EVACUATION DES BLESSES
César Benoit, après avoir chargé les blessés dans sa camionnette, les rapatrie sur Guillaumes . Les tunnels des Gorges lui seront d’un précieux secours. Brocquin, légèrement blessé restera au Grand hôtel de Guillaumes. Les autres blessés seront évacués sur Barcelonnette via Entraunes où ils trouveront refuge à l’Hôtel Liautaud, transformé en hôpital de campagne.
Ce rapatriement fait l’objet de plusieurs versions:
5.1. Version Albert Toche (5)
Fernand Boyer, après avoir chargé les blessés dans une voiture aura bien des difficultés pour revenir à Guillaumes sans encombre.
5.2. Version Albert Toche (mise au point)
Une mise au point s’impose quant au rapatriement du Lieutenant Colonelli blessé. C’est Benoît César, avec sa camionnette qui le ramènera à Guillaumes au Grand-Hôtel le 18 juillet blessé sera ensuite transféré vers l’hôpital de Barcelonnette. Fernand Boyer, alors qu‘il était en attente, avec son véhicule près d’un tunnel, le 22 juillet, échappe de peu à la mort alors qu’un obus de mortier démolira sa voiture
5.3. Version Germaine Cochoy (6)
C’est Benoît César, un garçon d’Entraunes qui ramènera avec sa camionnette les blessés non pas au grand-Hôtel de Guillaumes mais à Entraunes dans l’Hôtel Liautaud transformé en hôpital de fortune où le Dr Butrille ( ?) opérera son œil. Puis ils passeront le col de la Cayolle pour rejoindre Barcelonnette.
5.4 Version Jean Toche (7)
[18 juillet 1944]
Depuis ma chambre, j'ai entendu le bruit des moteurs. je me suis précipité à la fenêtre car l'arrivée d'un véhicule était toujours un évènement. j'ai vu les deux tractions noires s'arrêter au milieu de la place. Puis une camionnette franchit le pont, plusieurs hommes, avec des brassards FFI ou FTP, en descendirent. Un instant après, une autre camionnette arriva avec le plateau arrière découvert. Il y avait aussi plusieurs hommes à bord mais ceux là étaient allongés sur des matelas. Je me rendis compte qu'il s'agissait de blessés, certains pouvaient se relever, d'autres non. On décida de les réunir tous dans l'hôtel. On repoussa les tables et les chaises de la salle à manger. La plupart des blessés avaient été atteints par des éclats de mortier. On allongea certains sur une grande table. Le maire de Guillaumes (8), également Docteur, les opéra avec les moyens du bord. Oscar Blanc, natif de Saint-Martin, a ainsi été énucléé avec les ciseaux à broder de Mme Casta, que j'étais allé chercher . Au bout de deux jours, plusieurs étaient remis sur pied. sauf deux, plus gravement touchés, qu'on a mis à l'écart dans une chambre du 1er étage. (...) Trois jours après, un message d'alerte arriva (...) - Il vaut mieux déguerpir, déclara le chef de groupe, le commandant Beauregard. En quelques minutes, ils plièrent bagages. Toute une caravane s'engagea dans le vallon du Bourdous, guidée par les hommes du village qui s'étaient joints aux maquisards. (...) J'ai su plus tard qu'ils trouvèrent refuge dans les bergeries de la Boulière tandis qu'on avait acheminé les deux blessés graves sur l'hôpital de Barcelonnette. L'un deux y mourra (...)
Le maire de Guillaumes de l'époque, Julien Agnely (8) aurait été conduit le 14 juillet à Beuil et « mis en résidence surveillée » par les FFI dans l’après midi lors de la proclamation de la « république de Beuil ».
A-t-il pu intervenir à Entraunes le 18 juillet ? À moins qu'il ne fût réquisitionné par la résistance...
5.5 Version Lieutenant De Bois-Fleury alias Pyra (9)
Pyra, qui avait succédé à Colmar, fut sérieusement blessé au cou près du carrefour de Villeplane, demeurant étendu entre les deux tunnels. Capitaine François, parti de Beuil sur une moto pilotée par Siméoni, voulut lui porter secours alors que ses hommes étaient convaincus qu’il était mort :
[Capitaine François] (10)
J’avais une excellente paire de jumelles et j’observai le blessé : je reconnus mon ami, le sous-lieutenant Pyra (De Bois-Fleury); du sang s’écoulait d’une blessure à la gorge, je pouvais voir son œil droit ce qui me donna une idée, j’appelai Pyra et lui criai : « Si tu m’entends, ferme les yeux et rouvre-les aussitôt» ce qu’il fit, il était donc vivant mais il fallait le soigner d’urgence ; j'avais le nécessaire sur la moto, mais encore fallait-il le sortit de là et Allemands continuaient de temps en temps, à lâcher des rafales de mitrailleuse entre les deux tunnels. Pyra, lui était protégé par un angle mort, je décidai de le traîner jusqu"au tunnel suivant et l'en informai (...) alors Siméoni,avons pris notre élan,couru jusqu'à Pyra, l'avons saisi aux épaules par son treillis et avons réussi à atteindre l'autre tunnel le second tunnel en moins de dix secondes (...) Je donnai aussitôt à voire à Pyra et tamponnai tant bien que mal la blessure qu'il avait au cou. Apparemment la rafale n'avait atteint ni l'artère, ni les vertèbres. Je désinfectai la plaie au marc du pays et appliquai un pansement compressif (...) je décidai d'attendre la nuit pour revenir (...) Ainsi fut fait et à la nuit tombée, je chargeai Pyra sur mes épaules (...) Simeoni restant en réserve, prêt à le tirer en courant si j'étais tombé. Tout se passa bien; Pyra fut placé sur une civière, recouvert d'une couverture et emmené en lieu sûr en camionnette.
De là, une camionnette le transportera, en compagnie de Colonelli et Sini vers la vallée de l’Ubaye par le col de la Cayolle. Pyra évoque ainsi son calvaire:
[de Bois-Fleury] « Je suis KO, ayant beaucoup de mal à respirer. Seulement deux vagues souvenirs : Sapin qui me réconforte et un prêtre qui me donne l’extrême-onction (je le trouve quand même pessimiste). Sur l’inconfortable plateforme d’un camion, à côté de Colonelli et comme lui en état d’inconscience, le trajet par le col de la Cayolle jusqu’à Villard d’Allos (9 bis) est une épreuve sévère. Je suis soigné dans une ferme isolée par un jeune médecin et une jeune infirmière, utilisant les quelques moyens dont ils disposent et déployant un dévouement admirable ».
Conclusion sur l'évacuation des blessés :
Le lieutenant Marcel Colonelli alias Colmar grièvement blessé a été immédiatement remplacé par Lieutenant De Bois-Fleury alias Pyra. Ce dernier blessé le même jour au carrefour de la N3202 et la route de Villeplane est remplacé à son tour par le Lieutenant Latruffe qui fera évacuer les blessés avec le Capitaine François. Si l'on en croit le témoignage de ce dernier (10):
C'était le 20 ou 21 juillet (...) Il faut dire que les deux blessés étaient les responsables du petit détachement placé là pour retarder l'avance allemande sur Guillaumes. Il s'agissait des sous-lieutenant de Bois-Fleury, dit Pyra et Colonelli dit Colmar, atteint d'éclats d'obus dans le dos, qui avait été déjà évacué en camionnette avant mon arrivée sur Guillaumes et devra être transféré à l'hôpital de Barcelonnette où il mourra dans la nuit du 14 au 15 août ...<
Il semblerait donc qu'il y ait eu une 1ère évacuation avec la camionnette de Benoit César avec notamment Maurice Colonelli, Gabriel Broquin et Oscar Blanc et un peu plus tard une 2ème évacuation par le Capitaine François avec Simeoni, le lieutenant Pyra, Prosper Broquin etc.
La première laissera au Grand Hôtel de Guillaumes les blessés légers (dont Broquin ) et les autres seront évacués sur Barcelonnette via Entraunes. Galtier (11) suivant en cela le témoignage de Gabriel Mazier déclare qu'ils seront amenés dans une ferme de l'autre côté du Col de la Cayolle _.vraisemblablement dans la ferme de Villard d'Abbas pas loin de Fours où Marcel Sini décèdera le 22 juillet alors que Maurice Colonelli s'éteindra à l'hôpital de Barcelonnette le 15 août 1944.
Cependant le récit de Gabriel Mazier comme celui de Galtier évacue le passage à Entraunes pourtant largement attesté par des témoins directs (12) : Jean Toche et Germaine Cochoy...