Église Saint-Etienne
Bernard Graille
Situation :
L’église paroissiale dédiée à saint Etienne est située au coeur du village médiéval de Guillaumes à l’intérieur de l’enceinte des remparts.
Historique :
Cet édifice apparaît pour la première fois dans les textes en 1305. Dépendant alors du prieuré de Notre Dame de Buyeï, il a été créé par les moines bénédictins de saint Eusèbe d'Apt comme simple chapelle. Sa construction daterait d’environ 1240, quelques années après l’édification de la tour primitive du château par Raymond Bérenger V . Peu à peu, le peuplement s’est fait autour de l’église jusqu’à ce qu’elle devienne paroissiale entre 1351 et 1376.
Architecture :
L’édifice n’est pas orienté ; son chevet est dirigé vers le sud-est. Il est constitué d’une nef élargie de chaque coté par quatre chapelles latérales peu profondes . Le choeur plus étroit, surélevé et de plan carré est complété par une abside semi circulaire. La nef est voutée en berceau.
La chapelle médiévale primitive était un long bâtiment étroit mesurant, à l’intérieur , 19 m par 4m50 . De cette construction en pierres taillées du terroir ne subsiste que l’abside décorée à l’extérieur d’un bandeau de dents d’engrenages renforcé par une frise. Ce décor l’apparente aux absides des églises lombardo-provençales .
Devenu église paroissiale, l’édifice a ensuite été élargi à deux reprises par la création de quatre chapelles latérales :
- deux vers l’Ouest réalisées avant 1690 comme en témoigne les plans dressés la même année par Niquet, ingénieur de Vauban. Ces deux chapelles sont dédiées respectivement à saint Joseph et à la Vierge Marie.
- deux vers l’Est édifiées dans la deuxième moitié du 18ème siècle . Ces deux chapelles sont dédiées respectivement au Sacré-Cœur et aux Âmes du Purgatoire. En 1811, suite aux dégâts commis par les révolutionnaires, l’architecte-maçon Jérôme Lombardini dirigea les travaux de réparations en utilisant les matériaux issus de la démolition du corps de garde de la porte de France.
Le clocher roman-lombard carré et trapu, comprend cinq niveaux qui s’achèvent par une pyramide de pierres. Il a vraisemblablement été construit postérieurement à la chapelle primitive. La présence de bois d’oeuvre ayant servi à la construction du clocher devrait permettre une datation plus exacte.
Les usages
L’église
Comme dans de nombreux cas, c’est l’église castrale, située à l’intérieur des remparts qui devint église paroissiale du village. La paroisse s’étendit ensuite jusqu’à intégrer la paroisse Notre-Dame de Buyei – les Roberts . Jusqu’à la fin du 18 ème siècle on enterrait les morts dans le sol de l’église et des chapelles latérales en particulier « sous les carreaux du Sacré-Coeur de Jésus » Dans l’allée centrale sont enterrés les gouverneurs militaires de Guillaumes. Le dernier a été Jean de Castellane, de 1700 à 1724 . Il fut enseveli le 17 Juin 1724 . Pendant la révolution française « les soldats dégradent l’autel de Saint-Antoine, percent les murs pour distribuer plus facilement le pain, découvrent le toit pour y faire passer des cheminées avant de transformer le sanctuaire décoré de tricolore en magasin militaire... » . On y célèbre toujours toutes les grandes cérémonies (Noêl, Pâques…) à l’exception des fêtes patronales de l’ Assomption de sainte Marie (quinze août) et de la saint Jean-Baptiste qui donnent lieu à romérages vers le sanctuaire Notre-Dame de Buyeï.
Le clocher
Le rez-de-chaussée du clocher contient la sacristie qui s’ouvre sur le choeur. On accède aux autres niveaux par les escaliers situés au Nord de l’église, à droite de la porte d’entrée, puis par un long couloir qui file au dessus des chapelles latérales. Le deuxième niveau était occupé autrefois par le « cabinet de la communauté » où les consuls tenaient à l’abri des incendies, des inondations et du vandalisme les chartes communales. Le troisième niveau, aveugle, est occupé par un escalier qui permet d’accéder à la chambre des cloches (4ème et 5ème niveaux) . Le clocher abrite cinq cloches . Deux d’entre elles ,disparues sous la révolution, ont été remplacées par Claire Elisabeth et Jeanne Marie, fondues en 1991 à la fonderie Paccard à Annecy le Vieux et baptisées par Monseigneur Sardou, archevêque de Monaco. Les cloches ont été électrifiées dans les années soixante. Auparavant, les sonneries étaient activées par un sonneur, soit directement depuis le clocher pour les grandes messes et les grandes cérémonies, soit par une corde tirée verticalement depuis la sacristie pour les cérémonies courantes . Depuis le 18ème siècle, le clocher dispose d’un mouvement d’horlogerie remplacé de nos jours par une commande électrique . Le mécanisme est toujours en place, au 4ème niveau du clocher. En 1786 les Guillaumois ont ajouté à la sonnerie des heures celle des demi-heures.>
Voir ci-dessous extraits du texte de Lucien Magalon dans Nice-historique 1954 « [Antiquités civiles et religieuses de Guillaumes] » .
En outre chaque sonnerie horaire est renouvelée une fois à une minute d’intervalle. c’est « la retape ».
Durant la Semaine Sainte,du Jeudi Saint jusqu'au jour de Pâques, les cloches ne sonnent pas. Les offices étaient annoncés par les enfants qui défilaient dans les rues en tournant les crécelles et en actionnant les Pica-pouarta . Ces derniers étaient constitués d'une planche de noyer, ajourée en partie haute pour former une poignée. De part et d'autres étaient fixées deux charnières métalliques qui pivotaient à l'instar d'un marteau de porte (d'où le nom). Crécelles et Pica-pouarta étaient souvent gravés des intiales des menuisiers du village. Les enfants faisaient trois passages successifs en déclamant :
- pour la Messe : “A la premiero soùna del uffici” “A la secounda …..”
- pour le Chemin de Croix : “A la premiera soùna dou Camin de la Crous” “A la secounda.....” Après le troisième passage, ils formaient une ronde sur la Place Vauban, s'asseyaient sur leurs crécelles et chantaient: “la premiero, tout'entiero la secoundo tout'enroundo, le tres coù, tout' en un coù !” Là ils se levaient et faisaient un grand tapage avec leurs instruments. Puis ils entraient dans l'Eglise. [1]
Les cloches étaient sonnées pour la Sainte Brigitte ainsi que les jours d’orage pour éviter la grêle . Cette tradition perdure à l’approche d’orages exceptionnels.
A voir :
A l’extérieur de l’église :
l’abside semi-circulaire
à dent d’engrenages que Camille Enlard « dit être de l’école lombarde de Provence » selon Lucien Magalon.
les fresques
peintes sur les façades en 2009 par Caroline Challan-Belval et Patrice Giuge et qui représentent :
- Guillaumes le Libérateur
- L’installation des moines bénédictins à Buyei
- L’incendie de Guillaumes en 1682
- Deux pénitents blancs à genoux devant la croix, évocation de l’ancienne chapelle des pénitents blancs qui se trouvait face à l’entrée de l’église et fut détruite dans les années 1950 . On en devine encore la pierre de seuil .
- Saint Etienne et Saint Jean-Baptiste, au dessus de la porte d’entrée.
- A l’est, les encadrements en pierres de deux ouvertures situées sur la façade Est, découvertes et laissées apparentes lors des travaux de réfection des façades.
A l’intérieur de l’église :
- l’orgue italien dit « de Vittino », du nom de son facteur d’orgues. Cet instrument construit en 1845, a été acheté au conservatoire municipal de Grasse par l’Association Culturelle de Guillaumes subventionnée par le Conseil Général des Alpes-Maritimes . Il a été remis en état par le facteur d’orgue Brondino-[Vegezzi-Bossi] dans ses ateliers de Centallo (Italie) et remonté dans le chœur de l’église sous la direction de Michel Colin Expert-Organier . L’inauguration a eu lieu le 17 Juillet 2011 en présence de Monseigneur Bernard Veisse, curé de Guillaumes, de Jean-Pierre Leleux, maire de Grasse, de Jean-Paul David, maire de Guillaumes et de Christian Graille, président de l’Association Culturelle de Guillaumes.
- le tableau situé derrière le maître-autel qui représente le martyr de Saint-Etienne sous les remparts . En 1860, à l’occasion des fêtes du rattachement de Nice à la France, ce tableau fut offert par l’impératrice Eugénie en réponse aux supplications de Joseph Bernardy, curé de Guillaumes. Il remplaça (selon l’inventaire de 1773)
« un retable de bols peint « dans un goût gothique , avec sculpture du même goût, représente d’un coté Saint-Etienne et de l’autre Saint-Maurice, et au milieu Notre-Dame du Rosaire, patrons de la paroisse séparés par deux colonnes de bois ; ce retable est surmonté d’une sorte de galerie avec « divers ornements gothiques » ; la peinture est en partie effacée et ternie, les dorures passées et le bois rongé par les vers » [2]
- Les vitraux « art déco », réalisés en 1931 par le maître verrier Thomas, qui représentent des scènes du nouveau testament transposés dans le village. Ils constituent de véritables documents historiques sur Guillaumes : Saint-Julien de Brioude est placé devant la chapelle des pénitents ; la Déposition de Croix a lieu devant le château ; Saint-Etienne est lapidé sous les remparts tandis que Saint-Joseph a posé son établi devant le pressoir ; enfin Anne et Joaquim éduquent la vierge devant l’église et les remparts.
- la fresque de l’arc triomphal peinte par le niçois Adami, repeinte en 1932 par Evangelisti et restaurée par Guy Ceppa.
[1]: Magalon, Lucien. Antiquités civiles et religieuses de Guillaumes. Nice-Historique, 1954. pp.96-107
[2]: Chétail, Joannès. Archives de Turin, Archives Camérales - Inventaire 119 - S A. 3425. (Réintégrées aux Arch. dép. de la Savoie.)